La distinction entre obligation de moyen et de résultat revêt une importance capitale dans notre droit des contrats. Elle fait souvent l’objet d’une attention particulière dans une négociation, à juste titre. Encore faut-il bien en comprendre l’intérêt pratique et la portée, sous peine de s’enfermer dans des discussions de principe stériles.
L’intérêt de la distinction
« Obligation de résultat » et « obligation de moyens » sont des expressions que l’on rencontre fréquemment dans le langage courant, mais elles ont une signification particulière dans le domaine juridique. On est ainsi tenté de penser qu’une obligation de moyens n’est pas vraiment une obligation : on s’engagerait seulement à essayer de parvenir à un résultat, sans garantir aucunement qu’on va y parvenir.
Ce n’est cependant pas exact ; un résultat promis est un résultat promis (et le restera). Mais le contenu d’une obligation et la nature (de moyens ou de résultat) de cette même obligation sont deux choses différentes. Ainsi, une obligation de livrer un certain résultat (par exemple, développer un site web pour une certaine date) peut parfaitement être une obligation de moyens. Et à l’inverse, une obligation de fournir des moyens (par exemple, fournir les compétences d’un employé présentant certaines compétences spécialisées, sans s’engager sur les résultats attendus de son travail) peut être une obligation de résultat.
En réalité, la nature de l’obligation a « seulement » un impact sur la charge de la preuve en cas d’inexécution. En clair, qui devra prouver quoi si l’obligation n’est pas exécutée telle qu’elle a été convenue :
- dans le cas d’une obligation de moyens, celui qui devait « recevoir » la prestation devra non seulement prouver que celle-ci n’a pas été exécutée comme prévue, mais encore que la partie exécutante n’a pas mis en oeuvre les moyens qui auraient été nécessaires pour y parvenir et qu’elle a donc commis une ou plusieurs faute(s);
- dans le cas d’une obligation de résultat, la partie victime peut se contenter de prouver que les prestations fournies ne correspondent pas à ce qui a été prévu. La faute de la partie exécutante est présumée. A elle, dans ce cas, de prouver que la mauvaise exécution est due à la faute d’un tiers ou à des circonstances imprévisibles si elle veut s’exonérer de sa responsabilité.
Cet aperçu donne une impression un peu figée et théorique des choses. La réalité est différente car, au cours d’un litige, chaque partie apportera les éléments de preuve dont elle dispose. La distinction entre obligation de moyens et de résultat ne prendra tout son sens que si, après examen des preuves et, éventuellement, avis d’un expert, il subsiste une incertitude sur le fait que c’est bien la faute de la partie exécutante qui a causé la situation litigieuse. La nature de l’obligation déterminera alors quelle partie supporte le risque lié à cette incertitude.
Comment déterminer si une obligation particulière est une obligation de moyens ou de résultat ? On prend en compte 3 critères, qui s’appliquent en cascade :
- le contrat : si les parties ont explicitement indiqué la nature d’une obligation, leur volonté doit être respectée ;
- la loi : quelques lois, relativement rares, indiquent la nature de certaines obligations. Les parties peuvent toutefois s’en écarter (c’est pourquoi la loi est le deuxième critère) ;
- l’aléa : si le contrat et la loi sont silencieux, on (entendez, le juge chargé de trancher le litige) cherchera à déterminer si la bonne exécution de l’obligation est soumise à un important aléa ou non. La manière dont l’obligation est décrite dans le contrat sera un élément d’appréciation important.
Mieux rédiger les clauses relatives aux obligations de moyen et de résultat
- il est plus important de décrire soigneusement une obligation que de chercher à en qualifier la nature. La notion d’obligation de moyen ou de résultat influence la charge de la preuve si l’obligation n’est pas exécutée telle qu’elle a été décrite ;
- s’engager à fournir un résultat déterminé n’est pas automatiquement synonyme d’obligation de résultat ;
- la qualification doit se faire obligation par obligation ; un contrat est une collection d’obligations d’importance variable et il est souvent contre-productif d’exiger à tout prix que toutes les obligations soient qualifiées d’obligation de moyens ou de résultats ;
- la description d’une obligation influence la manière dont elle sera qualifiée. Les obligations de fournir les moyens appropriés afin de… ou de faire les efforts nécessaire pour… seront généralement qualifiées d’obligations de moyens ;
- les notions de best efforts et de reasonable efforts ne sont pas, a priori, interprétées différemment l’une de l’autre en droit belge et indiqueront en général une obligation de moyens ;
- dans un projet complexe, où plusieurs parties doivent collaborer, il faut réfléchir à deux fois avant d’accepter la qualification d’obligation de résultat sur la livraison du produit final (et/ou la date de livraison).
#bettercontracts est une série de courts articles en matière de rédaction, de négociation ou d’exécution des contrats selon le droit belge, principalement dans le domaine technologique. N’hésitez pas à me contacter sur twitter (@francoiscoppens) pour proposer des sujets.