Depuis quelques mois (presque un an), j’ai l’opportunité de combiner mon activité d’avocat avec un poste de ‘legal counsel’ interne. Je remplace, à temps partiel, la responsable juridique d’une grande entreprise de services IT. Cela me donne une occasion unique de passer « de l’autre côté » par rapport à mon rôle habituel de conseil externe.
Beaucoup de jeunes entreprises et de PME, surtout dans le domaine technologique, se demandent si, et quand, elles devraient engager un(e) juriste. Elles sont confrontées à des questions juridiques variées au quotidien, et c’est un confort et une sécurité immenses de pouvoir les confier à un interlocuteur unique en interne.
Une telle embauche représente cependant un coût fixe important (environ 90.000 EUR de coût salarial annuel selon une étude Robert Half, sans compter les frais et les avantages), et il n’est pas évident de sauter le pas du jour au lendemain, sans parler de la difficulté de trouver le profil adéquat.
Beaucoup ignorent qu’il est possible de confier la gestion des affaires juridiques d’une entreprise à un conseiller indépendant (souvent un avocat). Celui-ci s’écarte alors de son rôle traditionnel de conseiller « au cas par cas », pour prendre un rôle plus stable et plus actif au sein de l’entreprise. Les modalités de la collaboration sont entièrement flexibles.
Pour moi, c’est une solution intéressante pour combiner le meilleur des deux mondes. Bien sûr, les avantages identifiés ci-dessous ne sont pas garantis dans tous les cas, et trouver « La » bonne personne ne sera pas évident, mais cela reste une possibilité séduisante à explorer.
Les avantages du ‘legal counsel’ externe
Il est proactif, c’est l’avantage principal d’une position interne. Un avocat (externe) n’intervient que lorsqu’on le consulte, ce qui n’arrive pas toujours au moment idéal. Parfois, il n’est pas consulté du tout et vous prenez des risques juridiques sans même vous en apercevoir. Une mission en interne permet au juriste de prendre des initiatives : il audite la situation de votre entreprise, modifie ou crée les modèles de contrats, régularise des erreurs éventuelles, informe des contraintes juridiques dès le début des projets, etc. S’il est une certitude dans le monde juridique, c’est que résoudre les problèmes demande infiniment plus de temps, d’énergie et d’argent que prévenir leur apparition. Un juriste impliqué et proactif est un atout de taille à cet égard.
Il connait votre entreprise, ses produits et ses acteurs. En cas de problème, cela lui permet de prendre les bonnes décisions rapidement. Il sait également où trouver les informations et les rassemblera lui-même. C’est un gain de temps considérable. Ceux qui ont déjà dû rassembler des pièces et expliquer un dossier à un avocat ne me contrediront pas.
À mi-chemin entre le juriste d’entreprise et l’avocat classique, un ‘legal counsel’ externe offre un mix intéressant entre flexibilité, spécialisation, proactivité et contrôle du budget.
Il connait aussi votre secteur. Il ne travaille pas uniquement pour vous, mais également pour d’autres acteurs dans le même domaine. Cela lui donne une vue sur les pratiques habituelles du secteur et lui permet d’apporter des idées nouvelles, tout en respectant strictement la confidentialité des informations de ses différents clients.
Il est flexible. Une petite ou moyenne entreprise n’a pas nécessairement besoin d’un conseil juridique à temps plein. Un avocat peut se rendre disponible à temps partiel et être occupé par ses autres dossiers le reste du temps. En cas de forte demande (négociation d’un contrat important, litige, crise, fusion, etc.), il peut s’impliquer davantage, voire appeler des collègues à la rescousse même dans l’urgence.
Il est spécialiste. Le droit est un domaine dont l’étendue et la complexité augmentent de manière exponentielle. Nous sommes pratiquement obligés de nous spécialiser dans un domaine pour rester pertinents (en ce qui me concerne, j’ai choisi le droit de l’informatique et la propriété intellectuelle). Il est possible de travailler avec un ‘legal counsel’ externe qui est un vrai spécialiste dans le domaine le plus pertinent pour vous.
Il travaille en réseau. La plupart des avocats travaillent dans des cabinets regroupant des praticiens de différentes matières. Un conseil externe travaillera naturellement avec ses collègues pour vérifier ses informations, obtenir des avis pertinents et impliquer un autre spécialiste si nécessaire. Il est également possible de travailler avec un avocat relativement jeune, qui trouvera au sein de son cabinet la supervision et les conseils qu’il ne pourrait pas trouver dans une entreprise.
Il est bien informé. La plupart des cabinets d’avocats sont abonnés aux bases de données juridiques et à diverses revues et publications. Ces ressources sont chères et ne se justifient pas pour les entreprises hors du domaine juridique. En faisant appel à un externe, vous bénéficiez de l’infrastructure et de la connaissance que son cabinet met à sa disposition.
C’est possible ? Ça coûte cher ?
Il existe une grande diversité de profils chez les avocats, et certains ne seront pas intéressés par ce genre de mission. Cela peut être une question de préférence personnelle, ou d’incompatibilité avec leur pratique. Ceux qui font énormément de procédures, par exemple, dépendent trop de l’agenda des tribunaux pour se permettre de consacrer des journées entières à un client.
En ce qui concerne l’aspect économique, il ne sera évidemment pas gratuit de recourir aux services d’un professionnel qualifié. Si vous disposez d’un budget juridique (spoiler: vous devriez, sinon les problèmes juridiques vous rattraperont tôt ou tard), il y a plusieurs manières de voir les choses :
Par rapport à un juriste interne (employé) qui représente un coût fixe important, un conseil externe présente l’avantage de la flexibilité. Sa mission peut être limitée au début et évoluer en douceur en fonction des besoins et du budget. Ses tarifs journaliers seront plus élevés, mais couvrent certains coûts qui vous reviendraient autrement (sécurité sociale, jours de maladie ou de congé, assurances, etc.)
D’un autre côté, un avocat sera sans doute en mesure de vous proposer des conditions avantageuses par rapport à ses tarifs habituels en contrepartie de la stabilité et la prévisibilité qu’offrent une mission de ‘legal counsel’.
La prévisibilité des coûts est également un avantage non-négligeable du côté de l’entreprise.
Enfin, il est possible de convenir avec un cabinet d’avocats de modalités de collaborations plus complètes, dans une vraie optique de partenariat (c’est l’approche que nous défendons dans mon cabinet, crosslaw, où beaucoup d’avocats ont effectué des missions internes). Cela peut inclure la présence régulière d’un ou plusieurs avocats, des conditions favorables pour des dossiers ponctuels, des formations internes pour votre personnel, etc.
Qu’en pensez-vous ? Avez-vous déjà vécu ce type de mission ? Je suis curieux d’obtenir des retours d’expérience, n’hésitez pas à me contacter sur twitter ou via la page de contact.