Faut-il faire confiance à un modèle de contrat ?

Vous avez peut-être déjà écumé le web à la recherche d’un modèle de contrat ; de mon côté, il est assez fréquent qu’un client me demande un modèle de NDA (trucs et astuces ici), un modèle de contrat freelance (mes réflexions ici), une licence standard, des conditions générales de vente ou un autre contrat-type.

Les modèles sont certainement utiles et il serait idiot de réinventer la roue à chaque fois. Ceci dit, je ne suis pas nécessairement partisan de la formule, du moins pas sans certaines précautions. Voici pourquoi.

Choisir le ‘bon’ modèle n’est pas évident

Un contrat met en oeuvre concrètement une opération juridique. Avant d’utiliser un modèle de contrat, il faut analyser correctement la situation actuelle des parties, l’opération projetée et la manière la plus adéquate de la mettre en oeuvre. Dans ce domaine, les premières intuitions ne sont pas nécessairement les bonnes. On me demande parfois un contrat de cession de droits d’auteur, alors qu’une licence apparaît plus judicieuse après une analyse du projet. Dans d’autres cas, on se pense protégé par un accord de confidentialité alors qu’il faudrait prévoir un contrat d’exclusivité ou de non-concurrence.

À mon sens, être bien conseillé à propos du choix d’un type de contrat est au moins aussi important (si pas plus) que le contenu du contrat lui-même. À défaut, on risque de mettre en oeuvre correctement…la mauvaise opération.

Qui a publié ce modèle et pourquoi ?

On trouve de tout sur Internet, le meilleur comme le pire. Si vous tombez sur un modèle de contrat, vous devez vous demander qui l’a publié et pourquoi.

Imaginons que vous êtes locataire d’un appartement et que vous cherchez un modèle de contrat de bail. Devez-vous faire confiance au standard publié par une association représentative des propriétaires ? Ne faut-il pas parier que ce modèle sera systématiquement favorable au propriétaire et très dur pour le locataire ?

J’ai même déjà vu un modèle de contrat publié ‘gratuitement’ par une association qui contenait une clause d’arbitrage la désignant comme arbitre. En clair, cela veut dire que les parties renoncent à aller devant les tribunaux ordinaires et s’obligent à faire trancher leurs litiges par cette association, qui sera rémunérée pour cela.

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Mieux vaut s’en rendre compte avant de signer !

Comme souvent en matière juridique (conseils et documents), il faut sélectionner des sources de confiance. Si vous ne savez pas exactement d’où vient un modèle de contrat et si vous n’en comprenez pas exactement le contenu, il vaut mieux s’abstenir de l’utiliser.

Votre accord est plus subtil qu’un standard

Un contrat, c’est la transcription en language juridiquement contraignant d’un accord entre deux (ou plusieurs) parties. Ces accords sont multiples, variés, et peuvent comprendre une infinité de nuances. Il est bien sûr impossible de prévoir toutes ces nuances dans un modèle de contrat, ou de multiplier exagérément le nombre de modèles. Les modèles mettent donc en oeuvre un certain  standard, déterminé arbitrairement, qui conviendra plus ou moins bien pour une situation individuelle.

Dans la plupart des cas, la loi de Pareto s’applique : un modèle couvrira adéquatement 80% des besoins et les 20% restants nécessiteront des adaptations pour tenir compte des spécificités du projet. Ne pas effectuer ces adaptations ou mal les réaliser peut sérieusement entamer l’utilité du contrat.

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Attention au contexte géographique et juridique

Malgré un certain degré d’harmonisation au niveau international – variable selon les matières – le droit reste une discipline essentiellement nationale et les différences entre les pays peuvent être importantes. Un contrat est un document juridique qui s’applique à la lumière, et selon les contraintes, d’un droit national.

Beaucoup de modèles de contrats en langue française ont été écrits en tenant compte du droit français, ce qui pose des problèmes pour leur application en Belgique. Pour les contrats en anglais, les origines sont encore plus variées.

Bien sûr, la plupart des modèles de contrat mentionnent quel est le droit applicable, mais cela ne veut pas dire qu’ils ont été rédigés en tenant compte de ce droit. On trouve de nombreux modèles français qui ont été rapidement adaptés pour faire référence au droit belge, sans que le contenu ait été retravaillé pour autant.

Conclusion : devez-vous faire confiance à un modèle de contrat ?

Personnellement, je n’aime pas fournir des modèles à mes clients parce que je ne crois pas à une approche standard. Je travaille à partir d’un grand nombre de clauses-types que je peux assembler et adapter très rapidement, pour obtenir un résultat juridiquement fiable, mais aussi et surtout personnalisé à la situation.

Ne perdez pas de vue qu’un contrat ‘fait la loi des parties’ et qu’il est donc juridiquement contraignant. Cela n’intéressera pas un juge de savoir si vous l’avez bien compris ou si vous avez choisi votre modèle en connaissance de cause lorsqu’il faudra l’appliquer.

Dès lors, faut-il faire confiance à un modèle ? Oui si vous avez des connaissances juridiques suffisantes pour en comprendre parfaitement le contenu, détecter les problèmes éventuels et les adapter. Oui, encore, s’il a été fourni ou vérifié par une personne de confiance, et que vous savez précisément dans quel cas il convient de l’utiliser.

Dans les autres cas, faire confiance à un modèle de contrat trouvé au hasard d’internet s’apparente à une dangereuse loterie.

Enfin, les meilleurs modèles sont bien entendu les vôtres. Si vous avez une ou plusieurs activités récurrentes, un avocat peut vous aider à établir votre propre standard, qui vous protège au mieux et tient compte de vos spécificités. Vous pourrez également demander des variantes ou des clauses optionnelles et, bien souvent, il vous fournira également des explications et conseils utiles sur la manière d’utiliser le contrat, ou sur l’étendue et la validité de certaines clauses. L’investissement est dérisoire par rapport aux tracas, au temps et aux coûts consacrés à une dispute causée par un mauvais contrat.

N’hésitez pas à consulter les ressources que je mets gratuitement à disposition pour analyser les projets de contrats ou à me contacter si vous souhaitez discuter d’une intervention en matière contractuelle.