Vous êtes un artiste ? un créatif ? un développeur de logiciels ? un dirigeant d’entreprise ?
Vous ne le savez peut-être pas, mais une partie de vos revenus peut sans doute être taxée à un taux effectif compris entre 7,5% et 15%.
C’est légal, ça se passe en Belgique et ça ne demande pas d’envoyer de l’argent au Nigéria par Western Union. Il faut juste comprendre certaines notions et prendre quelques précautions. Intéressé ?
Quand la Belgique favorise les auteurs
La Belgique a établi en 2008 une fiscalité très favorable sur les revenus de droits d’auteurs perçus par une personne physique.L’intention initiale était de mettre fin aux incertitudes récurrentes concernant la nature fiscale de ces revenus.
Ce régime peut trouver à s’appliquer dans un nombre important de cas et pas uniquement dans le secteur artistique traditionnel. C’est donc une aubaine pour de nombreux créateurs, notamment dans le secteur informatique. La notion fiscale de « revenus de droits d’auteur » doit cependant être bien comprise et il est hautement recommandé de respecter certaines formalités pour éviter de s’exposer à des conséquences désagréables.
Les revenus de droits d’auteur sont taxés à un taux fixe de 15%. Ils ne sont pas pris en compte pour le calcul des cotisations sociales. Ce taux d’imposition est encore réduit par l’application de frais forfaitaires : 50% de la première tranche (jusque 15.050 € par an) et 25% de la deuxième tranche (jusque 30.110 €).
Concrètement, les premiers 15.050 € perçus par un auteur durant une année sont donc taxés à un taux de 7,5% et les 15.060 € suivants sont taxés à 11,25 %. On est loin du taux marginal pratiqué sur les revenus professionnels qui peut monter au-delà des 50% (si l’on tient compte des cotisations sociales).
Ce régime est applicable jusqu’à 56.450 € de revenus de droits d’auteur perçus par an (chiffres 2013). Pour l’excédent, les anciennes incertitudes demeurent mais le régime « normal » des revenus professionnels peut être appliqué pour un maximum de sécurité.
Je précise que ce régime s’applique aux revenus perçus par les personnes physiques uniquement. Les revenus de droits d’auteur perçus par des sociétés ne sont pas pris en compte spécifiquement.
Pour en bénéficier, il faut deux éléments : des droits d’auteur et des revenus qui sont liés à leur cession ou leur concession. Cela semble évident mais attention à leur portée exacte qui doit être bien comprise.
Premier ingrédient : les droits d’auteur
Les revenus visés doivent être liés à une oeuvre protégée par la loi sur le droit d’auteur. La loi vise les « œuvres littéraires et artistiques » mais ces notions doivent être entendues largement. Ainsi, des logiciels, certaines bases de données, des designs en 3D ou de la littérature technique et scientifique peuvent être protégés.
Pour être protégée par le droit d’auteur, une oeuvre doit avoir été mise en forme concrètement (il ne peut pas s’agir d’un concept ou d’une idée) et doit être originale, c’est à dire « porter l’empreinte de la personnalité de l’auteur ». L’originalité est une notion complexe et largement discutée en droit d’auteur, et la place manque ici pour des développements approfondis.
Aucune autre condition n’est applicable. En particulier, une oeuvre n’a pas besoin d’être déposée ou enregistrée, ou être accompagnée de certaines mentions, pour être protégée.
Second ingrédient : des revenus
C’est ici que cela se corse : seuls les revenus « résultant de la cession ou de la concession » de droits d’auteur sont pris en compte. Kézako ?
L’auteur a le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire certains actes d’exploitation de l’oeuvre, notamment sa reproduction, son adaptation ou sa communication au public. Seuls les revenus perçus en contrepartie de la cession ou de la concession (licence) de ces droits sont éligibles au régime fiscal décrit ci-dessus. Il ne s’agit donc pas de tous les revenus liés à la création ou l’exploitation de l’oeuvre.
Par exemple, l’auteur d’un livre qui s’auto-édite ne pourra pas considérer ses revenus comme des « revenus de droits d’auteur ». Il perçoit les bénéfices de la vente de ses livres et non la contrepartie d’une cession ou d’une concession de ses droits (qu’il n’a d’ailleurs cédé à personne). Par contre, s’il cède à un tiers (typiquement, un éditeur) le droit de reproduire et de vendre son oeuvre, la rémunération qu’il obtiendra en contrepartie sera bien qualifiée de revenus de droits d’auteur.
Autre exemple très important en pratique : la rémunération que l’auteur perçoit pour le travail de création d’une oeuvre ne sera pas qualifiée de revenu de droits d’auteur. En effet, elle constitue la contrepartie de son temps et de ses efforts et non de droits qu’il cède ou concède. Ainsi, la rémunération horaire payée à un journaliste employé à rédiger des articles ne sera en principe pas qualifiée de revenus de droits d’auteur.
Souvent, des créateurs reçoivent une rémunération mixte, qui couvre à la fois leur travail et la cession de leurs droits d’auteur. Fiscalement, il sera important de distinguer ces revenus car seuls les derniers seront qualifiés de revenus de droits d’auteur.
Avec le Fisc, mettez-y les formes
Certaines positions contestables de l’administration fiscale aboutissent, en pratique, à exiger que les cessions et concessions de droits d’auteur soient établies par des contrats écrits respectant certaines formes, notamment en ce qui concerne la rémunération des auteurs. Le non-respect de ces formalités pourra mener au rejet de l’application du régime favorable à ces revenus. Je recommande donc chaudement d’établir des contrats précis et détaillés.
En outre, chaque paiement de revenus de droit d’auteur doit être amputé d’un précompte mobilier versé directement à l’Etat et faire l’objet d’une déclaration sous format papier ou électronique. Le précompte payé n’est pas libératoire. L’auteur devra donc mentionner, dans sa déclaration d’impôts annuelle, le montant total des droits d’auteur perçus et des précomptes déjà payés.
Le Fisc aime que l’on y mette les formes, ne vous y laissez pas avoir.
Money money money
Comment valoriser la cession ou la concession de droits d’auteur ? Question difficile également, car le Fisc ne se considérera pas nécessairement lié par les montants mentionnés dans les contrats. L’administration a déjà indiqué qu’elle tenait compte des critères suivants :
- le(s) domaine(s) d’activité de l’auteur concerné ainsi que sa (ses) spécialité(s) ;
- l’organisation de son travail, ses relations avec l’éventuel débiteur de droits d’auteur ;
- le mode de rémunération appliqué et les critères retenus pour fixer celle-ci ;
- le remboursement éventuel des frais supportés par l’auteur.
Keep on ruling
Le régime des revenus de droits d’auteur est une opportunité très intéressante vu les faibles taux d’imposition pratiqués. Son application n’est toutefois pas toujours simple et des zones d’ombres demeurent.
Besoin de sécurité ? La pratique du ruling fiscal permet de faire approuver une situation par l’administration fiscale avant de la mettre en oeuvre. Le contribuable obtiendra ainsi une décision qui lie l’administration pendant 5 ans et ne pourra donc pas être remise en cause en cas de contrôle pendant cette période.
Attention, un ruling est une décision anticipée qui, comme son nom l’indique, ne peut être demandée qu’avant qu’une situation ne produise des effets fiscaux.