5 conseils pour un bon contrat freelance

Il y a quelques jours, dans le cadre de la « semaine du freelance », Securex publiait un article sur l’importance d’établir un contrat pour encadrer une relation de collaboration indépendante. D’après Securex, le freelance est le statut de l’avenir et  90% des travailleurs pourraient recourir à cette forme de collaboration d’ici 2025. Dans le secteur IT, les collaborations indépendantes flexibles sont déjà très courantes, et je conseille régulièrement tant les freelancers que les entreprises souhaitant faire appel à leurs services.

Après un précédent article reprenant des trucs et astuces pour rédiger un bon accord de confidentialité, je vous propose donc 5 petits conseils issus de ma pratique courante pour établir un bon contrat de collaboration freelance.

1. Se faire payer…dans les temps !

Si un freelancer réussit à obtenir un contrat signé, c’est sans doute qu’il existe un accord sur le prix de ses services (ce qui est déjà une bonne nouvelle).

Remarquez la subtile différence

Remarquez la subtile différence

Il existe deux manières principales de rémunérer un freelancer :

  • soit par un montant forfaitaire pour un travail déterminé, auquel cas il est crucial de décrire précisément les résultats attendus, les éléments hors du périmètres et la manière de gérer des demandes de changements ;
  • soit en fonction du temps passé, en appliquant un taux horaire ou journalier.

Mais au-delà du prix, on n’accorde pas toujours assez d’importance aux délais de paiements, ni surtout à toutes les autres clauses qui ont un impact sur le délai entre la prestation des services et leur paiement effectif. Il faut faire attention à cet égard:

  • aux formalités et délais de vérification des services (exemple : approbation de time-sheets) ;
  • aux moments et délais de facturation ;
  • aux délais éventuels de vérification de la facture ;
  • aux délais de paiement en tant que tels.

Dans un scénario particulièrement défavorable, le cumul de tous ces délais peut retarder significativement le paiement effectif des services, sans apparaître clairement comme tel dans le contrat. C’est pourtant une question essentielle pour un freelancer à l’assise financière limitée : quelques mois de retard de paiement peuvent menacer la survie de son activité. Et le problème n’est pas théorique : sous la pression du marché, de nombreuses entreprises ont eu tendance ces dernières années à allonger sensiblement le délai de paiement de leurs fournisseurs.

2. Veiller au sort des droits intellectuels

Contrairement à certaines idées reçues, ce n’est pas parce que le client paie pour le travail d’un freelancer qu’il acquiert automatiquement des droits intellectuels sur les résultats fournis. En droit belge, c’est même presque toujours le contraire, en tout cas en ce qui concerne le droit d’auteur (qui protège également les logiciels). Si rien n’est prévu, le collaborateur freelance reste titulaire des droits d’auteur sur tout ce qu’il crée et le client n’a pas le droit de reproduire ou de communiquer ces créations au public, ce qui pourrait lui causer des problèmes importants s’il le découvre tardivement.

Pour toutes les fonctions dans lesquelles le freelancer réalise des créations que son client souhaite exploiter, il sera nécessaire de prévoir une cession ou une licence de droits dans le contrat. Ce point est particulièrement sensible dans la mesure où notre droit impose de respecter des formes particulières (à peine de nullité !) pour la rédaction de ces clauses. Attention également à l’étendue des droits transmis : une cession (=transfert) suppose que le freelancer ne pourra pas réutiliser ses créations dans un autre contexte. Ce n’est pas nécessairement problématique pour ce qui est réalisé spécifiquement pour un client, mais peut le devenir si le freelancer développe un outil standard qu’il entend exploiter par la suite. Dans ce dernier cas, une licence d’utilisation accordée au client, qui peut être plus ou moins large, est une solution plus adaptée.

copyright warning. maintenant vous êtes prévenus.

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3. Ne pas prendre la non-concurrence à la légère

Les entreprises ayant recours à l’assistance d’un freelancer veulent parfois limiter contractuellement les possibilités pour ce dernier de fournir certains services à des tiers pendant l’exécution du contrat ou après son expiration. Ces disposition répondent en général à deux types de préoccupations. Dans un premier cas, l’entreprise cherche à empêcher ses concurrents de bénéficier de l’expérience acquise par le freelancer lors de l’exécution du contrat, en interdisant à ce dernier de travailler pour lesdits concurrents. Dans un second cas, lorsque le freelancer est amené à travailler pour certains clients de l’entreprise, celle-ci cherche  souvent à interdire au collaborateur freelance de la « court-circuiter » en travaillant pour ses clients en direct.

Attention ici : si l’insertion d’une clause de non-concurrence dans un contrat de travail est lourdement réglementée et si sa mise en oeuvre est chère pour l’employeur, ce n’est pas le cas dans un contrat de collaboration freelance où ces clauses sont beaucoup plus libres. Tout n’est cependant pas permis : pour être valable, une clause de non-concurrence doit se limiter à la fourniture de certains produits et services identifiés, sur un territoire déterminé et pendant une durée limitée. Ces trois éléments ne doivent en outre pas être excessifs au regard du but poursuivi.

Les obligations de non-concurrence ne doivent pas être acceptées à la légère par un indépendant, car elles restreignent directement ses possibilités futures de créer ou saisir des opportunités professionnelles. En outre, elles sont souvent sanctionnées par un mécanisme de pénalités forfaitaires dont les montants peuvent être très dissuasifs.

4. Assurer et limiter sa responsabilité

La responsabilité, c’est l’obligation générale de réparer les dommages que l’on cause quand on commet une faute. La responsabilité d’un freelancer peut être engagée à plusieurs titres, en particulier s’il exécute mal la mission pour  laquelle il est engagé (responsabilité professionnelle) ou s’il commet, à l’occasion de l’exercice de sa mission, un acte imprudent qui cause un dommage – par exemple s’il endommage du matériel appartenant à son client (responsabilité civile).

Les dommages causés à une entreprise de taille moyenne ou grande peuvent rapidement atteindre des montants très importants, en particulier lorsque la responsabilité doit en être assumée par un professionnel isolé. Pour cette raison, tout freelancer devrait absolument souscrire une assurance en responsabilité civile et en responsabilité professionnelle (qui est souvent exigée par ses clients). En outre, je conseille vivement d’introduire dans le contrat une clause de limitation de responsabilité, établissant un montant maximum au cas où la responsabilité du freelancer serait engagée, pour quelque motif que ce soit. Ce montant devrait toujours être inférieur ou égal à la couverture d’assurance du freelancer ; à défaut , il prend le risque que les montants excédentaires soient recouvrés sur son patrimoine professionnel, voire même privé.

Attention toutefois, la limitation de responsabilité ne sera pas applicable en cas de faute intentionnelle commise par le freelancer ni, en principe, en cas de faute lourde.

5. Savoir que l’Etat n’aime pas les (faux) indépendants

Le contrat de travail, qui lie une entreprise à ses travailleurs (employés et ouvriers) est très fortement réglementé et notre droit social prévoit un grand nombre de mécanismes de protection des travailleurs. En outre, la part de cotisations sociales retenues sur le salaire des travailleurs salariés est nettement plus élevé que celle exigée sur le chiffre d’affaire des indépendants (en échange d’une couverture réduite, pas de miracle ni d’injustice flagrante ici). Ces deux éléments expliquent que l’État voit d’un mauvais œil la collaboration entre une entreprise et un freelancer, lorsque cette dernière vise en réalité à masquer une relation de travail afin de diminuer la protection du travailleur ou de priver l’État de cotisations sociales.

Il peut donc être utile d’indiquer dans le contrat que les parties entendent nouer une relation indépendante et pas une relation de travail, mais il faudra surtout éviter toutes les clauses qui révèlent l’existence d’un lien d’autorité entre l’entreprise et le freelance. Par exemple, des dispositions imposant un horaire de travail strict, permettant à l’entreprise de donner toutes les instructions qu’elle souhaite sur la manière de réaliser les services ou établissant un régime de sanctions disciplinaires seront des indices de relation de travail déguisée. Dans cette manière, le contenu du contrat doit être conforme à la réalité.

C’est surtout l’entreprise qui prend les risques dans ce domaine : en cas de faux indépendants, les (lourdes) sanctions s’appliqueront à l’entreprise et non au freelancer.

Une checklist pour vous aider

Il n’est pas possible, dans un court article comme celui-ci, de commenter toutes les dispositions habituelles ou utiles pour un contrat de service freelance. Notre cabinet rédige et met à disposition gratuitement une série de checklists (disponibles via la page Ressources de ce site) pour vous aider à identifier et analyser les éléments importants de différents contrats. Nous n’avons pas de document spécifiquement dédiée au contrat freelance, mais notre checklist « contrat (en général) » contient un grand nombre d’éléments pertinents dans un tel cadre. N’hésitez pas à y jeter un œil !