#bettercontracts : les pénalités forfaitaires

Des pénalités forfaitaires sont fréquemment introduites dans les contrats technologiques, en vue de compenser un retard ou un défaut d’exécution par le paiement d’une somme d’argent fixe. Qu’on les appelle ‘pénalités’, ‘amendes’, ‘crédits de service’ ou autrement ne change pas grand chose, c’est leur contenu effectif qui compte.

 

Serait-ce ironique ?

Le niveau d’ironie dans cette image est particulièrement élevé

« Clause pénale », la mal nommée

On appelle « clause pénale » la disposition d’un contrat qui vise à organiser la réparation forfaitaire d’un dommage par le paiement d’une somme d’argent. Ainsi, la partie victime d’une violation du contrat est dispensée de prouver qu’elle a subi un dommage effectif et d’établir son montant. Un système de pénalités sera généralement qualifié de clause pénale.

La clause prévoyant de telles pénalités est valable, mais encadrée par deux principes : elle doit être indemnitaire et elle est réductible.

La clause pénale doit être indemnitaire, c’est à dire viser à réparer un dommage résultant d’une faute contractuelle. Elle ne peut donc pas constituer une sanction visant à punir la partie fautive (notre législateur se méfiait des « peines privées »). Dans ce sens, la clause pénale n’a de pénal que le nom.

Ensuite, la clause pénale est réductible. Les juges ont le pouvoir, dans un litige portant sur l’application d’une clause pénale, d’en réduire le montant. Ils ne pourront cependant le faire que si le montant de la clause est « manifestement disproportionné » par rapport au dommage prévisible. Précisons que le dommage prévisible est celui que les parties pouvaient imaginer au moment de la signature du contrat. Le dommage effectivement subi dans un cas concret ne peut donc pas être pris en compte dans l’évaluation de la clause pénale.

Mieux rédiger les clauses prévoyant des pénalités forfaitaires

  • la clause pénale ne peut pas être une sanction (visant à punir), à peine de nullité. Évitez donc de la présenter comme telle. Je conseille, au contraire, d’indiquer explicitement que la pénalité vise à réparer forfaitairement un dommage. En règle générale, une pénalité d’un montant trop élevé ne sera pas sanctionnée de nullité, mais sera réductible (voir point suivant) ;
  • les pénalités doivent être raisonnables car le juge a le pouvoir de les réduire. Il faut donc faire l’effort de fixer le montant de la clause pénale en rapport avec les dommages qui peuvent effectivement survenir suite à la faute envisagée. Les pénalités couvrant, de la même manière, des fautes très différentes pouvant entraîner des dommages de nature et de montants très différents seront regardées avec suspicion. En outre, pour la bonne exécution du contrat, il est préférable qu’une des parties ne travaille pas avec le couteau sous la gorge, qui sera source de pression excessive ;
  • il ne sert à rien de mentionner que « les parties reconnaissent que les pénalités sont une estimation raisonnable du montant des dommages qui pourraient survenir ». Le pouvoir de contrôle du juge reste intact ;
  • les relations avec d’autres sanctions contractuelles en cas de faute peuvent être explicitées. De manière générale, l’application des pénalités suppose qu’une faute soit intervenue. Dès lors, les autres sanctions éventuelles peuvent être appliquées (ex: possibilité de mettre fin au contrat, replacement par un autre prestataire, suspension des paiements, etc.). Cependant, on peut prévoir que le paiement d’une pénalité exclut toute autre sanction ;
  • la prise en compte des dommages effectivement subis est souvent un point problématique. Deux approches sont possibles. Dans une approche purement forfaitaire, la pénalité est la seule réparation obtenue, quel que soit le montant des dommages effectifs. Dans une seconde approche, les pénalités constituent une sorte d’avance et, si le dommage subi excède le montant de la pénalité, la partie préjudiciée peut en demander la compensation (à condition de le prouver). On voit parfois des clauses indiquant que les pénalités s’appliquent indépendamment du droit de demander la réparation du préjudice réel et que ce droit reste entier. Selon moi, cette clause est nulle : la pénalité ne vise nécessairement pas à réparer un dommage dans un tel cas (voir premier point ci-dessus) ;
  • Enfin, il est possible de prévoir des pénalités sous forme de réduction commerciale et pas d’indemnisation forfaitaire. Ce n’est pas qu’une astuce de langage, car les règles applicables aux clauses pénales ne seront pas applicables. En contrepartie, l’événement déclenchant la pénalité ne sera alors pas considéré comme une faute contractuelle mais comme une simple circonstance donnant droit à une réduction. Il ne sera donc plus possible de le « reprocher » contractuellement à l’autre partie ou de le prendre en compte pour l’application de sanctions.

#bettercontracts est une série de courts articles en matière de rédaction, de négociation ou d’exécution des contrats selon le droit belge, principalement dans le domaine technologique. N’hésitez pas à me contacter sur twitter (@francoiscoppens) pour proposer des sujets.