Il existe un grand nombre d’idées préconçues à propos du formalisme contractuel : telle ou telle mention serait obligatoire, il faudrait absolument signer à tel endroit, en autant d’exemplaires, etc. La plupart de ces idées sont au moins partiellement fausses, et notre droit des contrats est largement moins formaliste que ce qu’on en pense parfois. Il reste que le respect de certaines formalités s’avère parfois indispensable, parfois utile par mesure de prudence. Petit tour d’horizon.
Un contrat écrit est-il obligatoire ? En règle générale, non. On l’oublie souvent, mais un contrat existe juridiquement dès que les parties sont d’accord sur ses éléments essentiels, même si elles ne l’ont pas confirmé par écrit. Il sera cependant très difficile, dans un tel cas, de prouver l’existence d’un accord et, surtout, son contenu précis. Je conseille donc (très) vivement de toujours formaliser un contrat par écrit. Il existe en outre certains cas où un contrat doit être établi par écrit pour être valable ; citons notamment les contrats conclus avec les non-commerçants (par exemple les consommateurs) d’une valeur de plus de 375 EUR, ou encore les contrats de cession ou de licence de droits d’auteur conclus avec l’auteur original d’une oeuvre, sans parler des actes notariés.
Comment identifier les parties au contrat ? Les parties doivent être identifiées suffisamment précisément pour éviter toute contestation (nom, adresse, éventuellement date de naissance,etc.) La loi impose en outre certaines mentions obligatoires, qui ne sont cependant pas des conditions de validité du contrat. La plupart des sociétés sont ainsi obligées d’indiquer leur dénomination sociale, la forme de société, l’adresse de leur siège sociale, leur numéro d’entreprise et le registre des personnes morales dans lequel elles sont enregistrées (RPM). Les indépendants enregistrés dans la Banque-carrefour des entreprises (BCE) doivent également mentionner leur numéro d’entreprise.
Faut-il signer ou parapher chaque page ? Non, ce n’est pas une condition de validité du contrat. C’est toutefois une mesure de prudence : en cas de contestation sur le contenu d’une page ou d’une clause, la version paraphée aura plus de poids. Attention cependant à ne rien oublier, car l’absence d’un paraphe sur une seule page pourrait être interprétée comme un refus, par la partie concernée, du contenu de la page en question.
Faut-il établir un contrat en plusieurs exemplaires ? Oui, en autant d’exemplaires que de parties qui ont un intérêt distinct à l’opération. Attention, une même personne peut signer en plusieurs qualités (par exemple, le gérant qui signe au nom de sa société et se porte garant à titre personnel), ce qui implique l’établissement d’exemplaires originaux supplémentaires. En outre, le contrat doit mentionner le nombre d’originaux ayant été établis.
Faut-il précéder la signature de la mention « lu et approuvé » ? Non. C’est une précaution parfois prise à l’égard des consommateurs pour faciliter la preuve de leur adhésion au contrat, mais ce n’est pas obligatoire.
Faut-il écrire les clauses de limitations de responsabilité (ou disclaimers) en majuscules ou en gras ? Non. On le voit de temps en temps dans certains contrats, car c’est une pratique courante aux États-Unis (où cela est parfois rendu obligatoire par le droit applicable). Rien de tout cela n’est toutefois imposé chez nous.
Qui peut signer au nom d’une société ? cela dépend des règles internes de la société. En règle général, il s’agira de la personne ayant reçu les pouvoirs de gestion journalière (directeur, administrateur délégué, gérant). Pour certaines opérations plus exceptionnelles, la signature de deux personnes est parfois requise. Cela dépend, encore une fois, des règles internes. Il est donc important de mentionner le nom et la qualité des signataires, pour permettre d’éventuelles vérifications.
Peut-on signer un contrat électroniquement ? Oui, la signature électronique est formellement reconnue en droit belge depuis 2001. Il existe différentes catégories de signatures électroniques, avec des différences de régimes juridiques relativement subtiles. Le moyen le plus simple consiste aujourd’hui à signer un contrat électroniquement au moyen de la carte d’identité belge électronique. Les autres types de signatures électroniques ne sont que très peu utilisées en pratique.
Peut-on antidater un contrat ? Non. L’indication d’une fausse date de signature constitue un faux en écriture, qui est sérieusement punissable. Il est par contre tout à fait possible de faire rétroagir le contrat pour couvrir une situation qui a déjà commencé ; il faut alors indiquer explicitement cette intention et en aucun cas l’induire par une fausse date de signature.
C’est grave docteur ?
Pas de panique si toutes les règles ci-dessus n’ont pas été respectées. Elles ne sont pas toutes sanctionnées de la même manière et ne mettent pas toutes en péril la validité d’un contrat. Il ne faut donc pas considérer un contrat comme automatiquement nul si elles ne sont pas observées. Dans la plupart des cas, des moyens juridiques existent pour pallier leur non-respect et « sauver » le contrat. Il vaut cependant mieux les suivre et s’éviter autant de contestations potentielles.
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